Karine Arsenault - Assistante à la réalisation TV

Publié le 1 novembre 2023

QUELLE EST TA FONCTION ? COMMENT DÉCRIRAIS-TU TON TRAVAIL ?

Je n’ai pas un parcours typique, j’ai étudié en cinéma au CEGEP et l’été après ma première année j’ai épluché la liste des compagnies dans la revue Qui fait quoi ? - on n’avait pas internet à l’époque. J’ai envoyé des CV partout, avec l’innocence du début en ne sachant pas à qui je m’adressais. JPL Production (aujourd’hui TVA Productions) offrait des stages comme assistant-e à la réalisation en télé, mais ils privilégiaient les diplômés. J’ai donc terminé mon DEC pour me rééesayer l'année suivante et ai décroché un stage sur le show estival Tôt ou tard.

Je me souviens de la première fois que je suis entrée en régie et de me dire « Wow c’est la NASA ici », c’était tellement impressionnant ! J’ai appris mon métier sur le tas, en observant énormément. On m’a montré les bases, mais on ne m’a jamais dit d’aller m’assoir sur la chaise. Et puis Mélanie Duranceau - qui est depuis devenue ma meilleure amie - est arrivée sur le show et m’a offert l’opportunité de pratiquer. Le show était en direct 5 soirs par semaine, si je faisais une erreur un soir, je pouvais la corriger dès le lendemain. J'ai appris en pratiquant. À la fin de l’été on m’a offert un contrat pour poursuivre et terminer la saison, et je l’ai fait toute seule comme une vraie assistante-réalisatrice.

Ma grande chance dans le développement de ma carrière, ça a été les rencontres. J’ai fait une première captation avec Jean Lamoureux qui s’était bien passée et puis il m’a proposé de faire les galas de Star Académie, les tout premiers ! Quand j’y repense, c’était fou de me confier ça avec mes 2 ans d’expérience ! Je me rappelle d’arriver sur les plateaux, tout le monde se connaissait et moi j‘étais la petite nouvelle à qui on demandait « t’es la fille de qui ? »

Je ne connaissais personne en télé mais j’ai eu la piqûre jeune. J’étais fascinée par la magie des coulisses, j’ai toujours aimé les arts, les spectacles. Au secondaire j’ai fait beaucoup de théâtre et rapidement j'ai assisté pour la mise en scène ou faire la régie. Donc ce métier était assez évident pour moi. J’avais une grande envie d’apprendre, j‘étais une éponge, j’aimais être avec le monde et puis je pense que j’avais un certain talent.

Le métier d’assistante-réalisatrice se décline de plusieurs façons, en vidéo légère par exemple ce n’est pas du tout le même quotidien. Moi la VL je sais que ce n’est pas pour moi. Je ne suis pas une fille de terrain, je suis vraiment une fille de régie, c’est ma bulle et j’y suis bien. Je dis toujours qu’un-e assitant-e travaille dans le futur, parce qu’on annonce tout le temps ce qui s’en vient tout en décomptant ce qui se passe. Il faut développer un réflexe pour travailler de même, et quand un problème arrive il faut être capable de trouver rapidement une solution. C’est un poste qui nécessite de garder son calme. Il y a aussi beaucoup de relations humaines parce que tu es un point central de l’information. Il faut apprendre à connaître les gens, savoir leur parler, et avoir un bon leadership pour que tout roule bien.

QUEL ASPECT DE TON TRAVAIL AIMES-TU LE PLUS ?

Dès que je suis sur un plateau ou dans un théâtre ! J’aime beaucoup les répétitions parce que tu commences à voir le résultat, mais tu n‘as pas encore le stress d’être en ondes, et tu peux en profiter et peaufiner. Voir le show se bâtir avec tout le monde en plateau, après l’avoir préparé toute seule dans mon coin, c’est vraiment extraordinaire.

«Le direct c’est très exigeant pour les nerfs, mais ça vient avec une adrénaline imbattable qui continue de m’animer.»

QUEL EST, SELON TOI, LE PLUS BEAU PROJET SUR LEQUEL TU AS TRAVAILLÉ ?

Je dirais à chaque fois que j’ai fait le spectacle de la Fête Nationale à Québec, c’est vraiment un show important pour moi. J’ai eu la chance de le faire comme assistante-réalisatrice pendant neuf éditions, et depuis deux ans je fais en plus de la direction artistique et de la production au contenu. C’est devenu un peu comme mon bébé, je le vois partir de zéro, on le conçoit et on l’amène en ondes.

Plus généralement, les shows devant public où tu participes à quelque chose d’immense c’est vraiment trippant. J’ai fait Céline sur les plaines en 2008, des grandes foules, de la démesure, répéter avec la gang de Céline Dion, c’était impressionnant. J’ai aussi participé aux captations DVD de ses shows à Vegas, Boston, Québec et Montréal, et travailler avec « des voitures de course » dans tous les départements m’a beaucoup marquée.

Les réalisateurs avec qui j’ai travaillé sont dans la démesure et avaient des idées à l’infini, ça m’a fait vivre des situations assez insolites ! Dans toute cette démesure, c’est important de revenir les deux pieds sur terre et se souvenir qu’on ne sauve pas des vies.

 

AS-TU UNE ANECDOTE INSOLITE LIÉE À TON TRAVAIL À PARTAGER ?

C’était lors de la Fête Nationale à Québec en 2015, nous avions une seule journée de répétitions caméras-générale avant de tomber en direct le soir. C’est un immense show avec 25 tounes. Il a plu TOUTE la journée, impossible de répéter et on ne s’avait pas si le show aurait lieu. On s’est ramassés dans une roulotte avec les caméramans à écouter les mp3 de répétitions, à décompter les tounes comme si c’était vrai, mais assis en cercle. C’était surréaliste ! Le show a finalement eu lieu en intégralité et il était parfait techniquement, tous nos cues ont fonctionné ! C’était un vrai moment de stress mais surtout une belle histoire d’équipe.

QUEL AVENIR IMAGINES-TU POUR LA PROFESSION ?

Il y a comme une fausse pensée que les assistantes-réalisatrices sont les secrétaires des réalisateurs. Ce n’est vraiment pas ça, on a vraiment des tâches différentes et complémentaires. C’est vrai qu’on voit souvent le duo réalisateur/assistante réalisatrice, mais il y a de plus en plus de réalisatrices et c’est bien, assistante-réalisatrice c’est encore un métier majoritairement féminin. 

Je crois aussi qu’il est important de démystifier le côté glam. Ce n’est pas sur les stages qui sont sur le papier plus « prestigieux » que les étudiant-e-s vont pouvoir facilement pratiquer, parce que ça va vite et que le temps est compté. Je dis souvent que le meilleur pour apprendre, se pratiquer, et faire des erreurs c’est les nouvelles ou une quotidienne.

Je fais partie des optimistes, j’ai vu les budgets fondre et je pense qu’on va frapper un mur à un moment donné, mais je crois qu’il y aura toujours une télé. Elle ne sera peut-être plus celle qu’on a connue, on va peut-être devoir la repenser d’une façon plus hybride et travailler avec des plateformes numériques, mais je ne crois pas que ce soit la fin pour nous. On est capable de s’adapter et se réinventer.

 

SELON TOI, QUELLE EST LA FORCE DE L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE AU QUÉBEC ?

On fait des miracles avec pas grand-chose. Nos équipes sont créatives et pleines d’imagination, on a ce côté tissé-serré qui est une richesse dans notre travail quotidien. Et puis c’est un monde de passionné-e-s, je n’en connais pas des gens qui viennent là juste pour puncher.