Sophie Longpré - coordonnatrice et entraîneuse d'animaux

Publié le 9 août 2023

QUELLE EST TA FONCTION ? COMMENT DÉCRIRAIS-TU TON TRAVAIL ?

En tant que coordonnatrice et entraîneuse d’animaux acteurs, je participe au dressage animalier dans une production cinématographique ou télévisuelle afin qu'ils exécutent les mouvements nécessaires selon les demandes du réalisateur. J’entraîne des animaux non exotiques, plus spécifiquement des chiens, des chats, des chevaux, des cochons, des poules, etc. L’entraînement de ces animaux nécessite énormément de patience et de préparation en amont d’un projet. C’est par des séances d’apprentissage quotidiennes que l’animal apprend à me faire confiance, à m’obéir sans me regarder, et à être à l’aise devant une caméra en présence d’étrangers.

La frontière entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle est mince, étant donné que les deux sont intimement liées. Comme vous pouvez vous en douter, mon travail ne s’arrête pas quand je quitte le plateau et continue même en dehors des heures de tournage. Je dois prendre soin de mes animaux à la maison comme au travail: les nourrir, les nettoyer, les promener, les entrainer, et surtout, les aimer. Pour exercer ce métier, il faut éprouver un amour sincère et une passion profonde pour les animaux. 

Je travaille de connivence avec la réalisation. Mon rôle est de transposer sa vision et ses attentes envers les animaux à l’écran. Bien que les besoins du réalisateur soient importants, ma responsabilité principale est de veiller à la santé et à la sécurité des animaux sur un plateau de tournage. Si je constate qu’un animal n’est pas à l’aise après un certain temps ou est exposé à un danger, je le retire immédiatement des lieux. Son bien-être est au cœur de mes préoccupations et passe avant tout ! 

 

QUEL ASPECT DE TON TRAVAIL AIMES-TU LE PLUS ?

J’aime me lancer des gros défis. Pour moi, il n’y a rien de plus stimulant que d’entraîner des animaux acteurs. Cela va bien au-delà des commandes « assis, couché, reste ». L’animal doit m’obéir à distance sans que cela paraisse à l’écran. C’est plus compliqué que l’on pense. Il doit apprendre à suivre mes commandes orales sans me regarder. Il y a deux écoles de pensée sur la façon de donner des ordres aux animaux lors d’un tournage: les commandes verbales et les gestes discrets (« cues »). Je préfère largement la première méthode. Cependant, je n’ai parfois pas le choix de faire appel aux gestes. Par exemple, comme les acteurs humains, les animaux jouent un rôle. Leur vrai nom n’est donc pas utilisé devant la caméra et cela peut les désorienter. C’est dans ce contexte que j’emploie la deuxième méthode pour éviter toute confusion. 

Dans mon métier, je dois constamment ajuster mes techniques et mes consignes à l’équipe de tournage en fonction de l’animal, des imprévus, et de l’environnement du plateau. Tous ces efforts payent en fin de compte quand je vois pour la première fois le résultat final de la production. C'est précisément cet aspect qui me motive.

«C’est par des séances d’apprentissage quotidiennes que l’animal apprend à me faire confiance, à m’obéir sans me regarder, et à être à l’aise devant une caméra en présence d’étrangers.»
Sophie Longpré

QUEL EST, SELON TOI, LE PLUS BEAU PROJET SUR LEQUEL TU AS TRAVAILLÉ ?

Chaque fois qu’une production dans laquelle notre implication est importante se termine, elle devient ma préférée. Lorsque j'entamerai un projet du même type dans quelques semaines, celui-ci prendra la place du plus beau projet sur lequel j’ai travaillé, une fois complété. Ainsi, chacune de ces réalisations a été, à tour de rôle, la plus belle expérience de ma carrière.

Ma dernière production est le film d’horreur Witchboard par le réalisateur Chuck Russell. Je ne peux pas vous dévoiler trop de détails, car il est encore en postproduction. Tout ce que je peux vous dire c’est que mon chat a été absolument remarquable dans le film. Il a accompli avec brio plusieurs cascades qui semblaient impossibles aux yeux de tous. Le réalisateur et le technicien des effets spéciaux étaient bouche-bée lors des prises. Il faudra attendre la sortie du film pour le voir !

 

AS-TU UNE ANECDOTE INSOLITE LIÉE À TON TRAVAIL À PARTAGER ?

L’un de mes animaux acteurs et moi avons récemment été invités sur le tapis rouge d’un film pour la toute première fois. C’était pour le long-métrage Jules au pays d’Asha, dans lequel ma chienne Misha joue un rôle important. J’ai vraiment été touchée par l’invitation, car les animaux tombent souvent dans l’oubli une fois que le projet est terminé. Le travail des animaux de cinéma est rarement reconnu, pourtant ce sont de véritables acteurs et leur participation au processus de création est aussi importante que celle des autres comédiens. Selon moi, le talent et le travail des animaux acteurs devraient être salués lors des cérémonies de remises de prix telles que les Oscars. 

Émilie Gosselin

QUEL AVENIR IMAGINES-TU POUR LA PROFESSION ?

Je me pose souvent cette question et ne peux pas vous dire ce que l’avenir réserve pour mon domaine. C’est très difficile de cerner la bonne personne pour exercer ce métier atypique et peu connu. Il faut être à la fois autodidacte, polyvalent, et avoir une compréhension poussée des animaux et du fonctionnement des plateaux de tournage. Comme je vous le disais plus tôt, mon travail ne s’arrête jamais. Des êtres vivants dépendent de moi et je dois être à l’écoute de leurs besoins en tout temps, sur le plateau comme à la maison. C’est une chose d’aimer les animaux, c’en est une autre de consacrer presque tout son temps à les élever et à les entraîner. Il n’y a donc pas beaucoup de candidats actuels dans le bassin.

Sur une note plus positive, j’anime parfois des formations pour tenter de transmettre mes connaissances sur l’entrainement des animaux à des personnes intéressées. Qui sait, c’est peut-être un pas dans la bonne direction.