Lucie Fournier - chef sculptrice, mouleuse et plâtrière

QUELLE EST TA FONCTION ? COMMENT DÉCRIRAIS-TU TON TRAVAIL ?

Je suis chef sculptrice, mouleuse et plâtrière. Mon travail est divisé en deux volets : gestion et création. La partie gestion implique l’évaluation des coûts d’un projet, notamment ceux liés à la main-d'œuvre et des procédés, en fonction du budget défini par le superviseur. Une fois cette étape validée, nous nous lançons dans la phase de création artistique. Mon équipe et moi concevons des sculptures originales à partir d’amalgame de matériaux, tels que le plâtre, la styromousse, le plastique, etc. Il nous arrive fréquemment de réaliser des maquettes en miniature pour ensuite les reproduire en taille réelle. Chaque sculpture est un défi en soi. Avoir un sens aiguisé de l’observation, un esprit d’équipe et une volonté d’apprendre sont des compétences indispensables pour pratiquer notre métier. Quelle que soit l’ampleur du projet, nous consacrons énormément de temps, d’effort et d’énergie pour que le rendu soit impeccable. Le diable se cache dans les détails ! Les gens pensent souvent même que nos œuvres sont produites par un robot ou un ordinateur. De plus, les comédiens jouent avec plus de conviction lorsque les décors sont réalistes; c’est plus facile pour eux d’entrer dans la peau du personnage. 

Mon équipe et moi sommes rarement sur les plateaux, car nos œuvres doivent être réalisées en amont du tournage. Pas de décors, pas de tournage. Notre présence n'est donc pas vraiment nécessaire sur les plateaux. Il nous faut aussi un très grand atelier, comme un entrepôt ou un garage, pour travailler. Nos créations prennent souvent énormément d’espace et nous sommes aussi plusieurs personnes dans l’équipe. Nous collaborons régulièrement avec les autres départements artistiques; nous faisons le pont entre la construction et la peinture. Nous travaillons aussi avec les équipes des effets spéciaux, des accessoires et d’autres départements connexes.

QUEL ASPECT DE TON TRAVAIL AIMES-TU LE PLUS ?

La création et les défis ! C’est comme inné pour moi. J’ai particulièrement aimé créer les sculptures, dont celle de Gargamel et des deux fées, pour le film Les Schtroumpfs. De plus, mes études en cinéma d'animation ont contribué à élargir mon champ d'expertise et à développer un côté plus varié.

QUEL EST, SELON TOI, LE PLUS BEAU PROJET SUR LEQUEL TU AS TRAVAILLÉ ?

Plusieurs projets me viennent à l'esprit, notamment La Momie : La tombe de l'Empereur Dragon, Voyage au centre de la Terre et les trois films X-Men sur lesquels j’ai travaillé. Ils ont tous été des expériences enrichissantes. Les défis auxquels nous avons été confrontés lors de ces tournages étaient tous différents les uns des autres, mais c’est précisément cette stimulation et cette ardeur qui me motivent et qui maintiennent mon envie de rester dans ce milieu. 

Cependant, Les Schtroumpfs 2 se démarque un peu plus des autres productions, en grande partie grâce à la vision et aux valeurs personnelles du concepteur du film, Bill Boes. C’est un homme extrêmement créatif, gentil, inclusif, et surtout, qui respecte notre département. Nous étions tous ravis de travailler d’arrache-pied pour répondre à ses besoins. Il a même pris l'initiative de nous emmener sur le plateau pour que nous puissions voir le résultat final de notre travail. Ce n’est pas tout le monde qui fait ça.

AS-TU UNE ANECDOTE INSOLITE LIÉE À TON TRAVAIL À PARTAGER ?

Après la fin du film La Momie : La tombe de l'Empereur Dragon, certains soldats de l’armée chinoise que mon équipe et moi avons produits en terre cuite ont été vendus. Jamais je n'aurais imaginé que des personnes seraient intéressées à acheter d'aussi grandes sculptures pour les placer comme décoration dans leur maison. D’ailleurs, elles se sont retrouvées dispersées dans le monde entier, y compris en Australie et en Égypte. Parfois, on oublie la magie qu’on crée dans le cadre de notre travail !

QUEL AVENIR IMAGINES-TU POUR LA PROFESSION ?

La reconnaissance de notre travail est indispensable pour garantir l'avenir de nos métiers, et la pérennité de notre département en dépend directement. J’aimerais que les gens soient plus conscients de la nature de notre travail. Beaucoup ne savent pas ce qu’on fait exactement ! Malheureusement, dans certains films québécois, on ne fait pas appel aux sculpteurs, mouleurs et plâtriers. Sur ces productions, nous sommes engagés en tant que peintres et travaillons au sein d'une équipe de peintres. C’est important que ceux qui dirigent une production comprennent que la sculpture, le plâtre, le moulage et la production des revêtements sur une construction ne sont pas toujours accomplis par les peintres. Dans un monde idéal, l’équipe de peinture devrait intervenir pour finaliser la patine de nos œuvres. Cette habitude dévalorise notre travail et le département Sculpture moulage. À titre d'exemple, si une paroi rocheuse est réalisée par des peintres, le résultat final serait radicalement différent de celui obtenu si elle avait été conçue par des sculpteurs et des mouleurs. Ce sont, après tout, deux visions différentes et domaines d’expertise distincte.

Si seulement il était possible de mettre fin à la compétition entre les départements et de favoriser une collaboration qui unirait nos forces et nos compétences, cela améliorerait non seulement la qualité des décors, mais aussi les relations de travail, créant ainsi un environnement plus harmonieux.

SELON TOI, QUELLE EST LA FORCE DE L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE AU QUÉBEC ?

Les technicien-ne-s sont la colonne vertébrale de l’industrie audiovisuelle au Québec ! Ceux qui possèdent l’expérience et le talent sont prêts à transmettre leurs connaissances aux jeunes avec diligence. Ici, nous avons l'opportunité de travailler et de nous promener dans divers départements, ce qui nous offre une perspective globale beaucoup plus pointue. Tandis qu’aux États-Unis, c’est bien plus hiérarchisé et statique. Cette particularité au Québec est une force et nous pousse à être débrouillards et polyvalents.