Dylan La Frenière - Chef paysagiste
Publié le 1 mars 2023
QUELLE EST TA FONCTION ? COMMENT DÉCRIRAIS-TU TON TRAVAIL ?
En français, mon métier c'est chef paysagiste. En anglais, car c'est surtout dans cette langue qu’on travaille sur les films américains et les séries, on nous appelle greensmen. On parle du département des greens. Nous sommes une branche du département artistique et nous nous occupons du paysagement. Selon les projets, mon équipe est composée de 5 à 25 paysagistes.
Concrètement on s'occupe des arbres, des plantes, des fleurs, tout ce qu'il y a dans l'image et qui est lié au paysage. Ça peut aussi être la neige, les routes… Toute la matière organique qui fait partie d'un film. Que ce soit du vrai ou du faux.
Par exemple pour Transformers, on a fait venir une vingtaine de vrais arbres auxquels on a enlevé les feuilles pour les remplacer par des fausses pour qu'ils puissent vivre le temps du tournage. On ajoute aussi des patines qui aident à rendre le faux plus ressemblant au vrai.
QUEL ASPECT DE TON TRAVAIL AIMES-TU LE PLUS ?
Ce que j'aime, c’est qu’il n’y a pas de routine. On ne sait jamais ce qui nous attend le lendemain ! On travaille toujours à des places différentes, on bouge beaucoup. Cela nous permet d'explorer plein de coins du Québec et d’être dehors. Et selon les saisons, c’est très varié.
QUELLES SONT LES QUALITÉS NÉCESSAIRES POUR EXERCER CE MÉTIER ?
Il faut être un peu touche-à-tout. Faut être capable autant de manipuler une perceuse que d'utiliser une pépine, un petit B 26 ou faire de la scie électrique. Quand j’engage quelqu’un dans mon équipe, je m’attends à ce qu’il soit polyvalent et flexible.
AS-TU UNE ANECDOTE INSOLITE LIÉE À TON TRAVAIL À PARTAGER ?
Quand j'ai commencé il y a plus de 20 ans, l'absurdité du cinéma me frappait plus de plein fouet que maintenant. Moi j'arrivais du milieu agricole, j'ai étudié et travaillé en agriculture biologique. Quand j'ai switché au cinéma, j’ai été surpris par certaines situations. Par exemple, sur un film qui s'appelait Secret Window, on a eu à faire pousser environ 500 épis de blé d’Inde en pot au mois de mai, car on savait qu'au mois de septembre, octobre, on allait tourner à Saint-Alexis-des-Monts, dans une région où il n’y avait pas de blé d’Inde.
En septembre au moment de tourner, on se rend compte que l'hôtel Sacacomie tout proche organise des sorties en 4x4 dans la forêt pour les touristes. Pour attirer les ours et que les gens puissent prendre des photos, ils lancent du blé d’Inde trempé dans le miel ! Quand on apprend ça, on vient juste de replanter notre blé d'Inde ! On se dit mon Dieu, les ours vont venir tout manger. On a donc été obligé d'embaucher des gardiens pour surveiller le blé d’Inde la nuit ! Quand on croisait les gardiens le matin, ils étaient terrifiés ! Y’en avait beaucoup des ours qui rodaient dans le coin !
QUEL AVENIR IMAGINES-TU POUR LA PROFESSION ?
À mes débuts, il n'y avait pas grand monde qui pratiquait ce métier au Québec. Puis 20 ans plus tard, je dirais qu’il y en a encore pas beaucoup qui le font, mais au moins c'est connu. Je me suis toujours dit qu’un jour notre métier allait peut-être disparaître et que le CGI et le dessin numérique allaient nous remplacer. Ce que je vois avec les écrans verts et avec les nouveaux écrans DEL, c'est super intéressant. Ça vient par exemple mettre automatiquement et instantanément une image en arrière-plan. Mais dès qu’on est vraiment proche des comédiens, le CGI n’offre pas le même rendu qu’avec ce qu’on fait nous. Pour les premiers 40 pieds, 30 pieds de l'image notre travail est nécessaire. Dans le futur, peut-être que les équipes de paysagistes passeront de 25 personnes à 3 ou 4, mais notre expertise est irremplaçable.
SELON TOI, QUELLE EST LA FORCE DE L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE AU QUÉBEC ?
Une des grandes forces au Québec, c’est qu'on a un cinéma puissant, avec son identité propre. Mais le problème, c'est que depuis un an et demi, il n’y a pas grand-chose en tournage. Alors parler des forces québécoises en ce moment ça ne paraît pas concret parce que tout le monde ne travaille pas.
Le dernier gros projet américain qu'on a eu à Montréal c'était Transformers, depuis ce temps-là on vit un genre de crise. Par exemple, moi je n’ai pas engagé plus que 3 ou 4 personnes dans mon équipe depuis ce temps-là. Si un gros film revient, c'est toute une job de retrouver 25 personnes qui ont déjà de l’expérience et qui sont disponibles. Mais on espère tous qu'il y ait un gros projet cet été !