Louise Bédard - Directrice des lieux de tournage
Publié le 15 juin 2022
Quelle est ta fonction ? Comment décrirais-tu ton travail ?
Je suis directrice du département des lieux de tournage depuis 1998 et j'œuvre dans ce département depuis trente ans. C’est un travail captivant et plus complexe qu’il n’y parait. Il va de la recherche de sites de tournage à l’organisation logistique, en passant par la coordination des demandes des divers départements et la négociation entre l’équipe de tournage et les propriétaires de sites, les municipalités, les gouvernements, etc.
À cela s’ajoute une dimension éthique et politique puisque nous devons veiller à ce que les limites imposées par les ententes que nous signons soient respectées. Ça demande de la diplomatie, de la rigueur, de l’écoute. La nature de notre travail est de représenter d’une part le producteur, la réalisation et l’équipe et d’autre part, les gens qui nous louent leur espace en s’assurant que le tournage représente pour eux une expérience positive. Un vrai travail de médiateur, qui demande du doigté !
Quel aspect de ton travail aimes-tu le plus ?
Notre travail s’effectue en quatre grandes étapes : la recherche, la négociation et l’organisation logistique, la présence sur les plateaux de tournage et la remise en place. C’est vraiment agréable de passer de l’un à l’autre. On ne s’ennuie jamais, j’aime ça !
Mais j’avoue qu’une de mes plus grandes joies c’est quand je trouve la perle rare, "LE" lieu qui convient parfaitement au scénario.
Quel est, selon toi, le plus beau projet sur lequel tu as travaillé ?
J’ai aimé travailler sur un bon nombre de projets. Souvent à cause de la qualité du travail d’équipe. Je suis assez sensible à la qualité du scénario et j’apprécie travailler avec un-e réalisateur-trice avec qui je ressens une affinité artistique. Ça été le cas avec Léa Pool. J’ai beaucoup aimé travailler sur La passion d’Augustine. J’étais vraiment contente de la qualité esthétique des lieux dénichés sur ce film historique.
As-tu une anecdote insolite liée à ton travail à partager ?
J’étais à la recherche d’un genre de café où les hommes vont fumer le narguilé. La scène était écrite pour être tournée en Tunisie, mais la production n’avait pas le budget pour s’y rendre. Je trouve un endroit à Ville St-Laurent, dans un demi sous-sol aux murs couleur bleu poudre sali.
Le lieu, décoré sommairement à l’orientale contenait une douzaine tables sur lesquelles de grands narguilés étaient disposés. Quelques hommes fumaient. On ne se sentait nullement à Montréal. Le décor me semblait parfait pour la scène !
Je prends alors quelques photos du lieu, puis je sors sur le trottoir avec le propriétaire qui me dit à voix basse : « Tu sais, c’est la première fois que je laisse entrer une femme ici ! Mais toi tu travailles pour le cinéma, ce n’est pas pareil. », puis il me sourit avec un air complice.
C’est agréable de se sentir à l’aventure dans sa propre ville et de découvrir des lieux insolites, mais aussi de rencontrer des gens de tous les horizons.
Quel avenir imagines-tu pour la profession ?
Nous sommes à la croisée des chemins. Les tournages sont en forte progression dans la grande région de Montréal et ses environs. Si nous souhaitons la pérennité de ceux-ci, il reste beaucoup à faire afin de protéger nos lieux et notre profession.
La mobilisation, la transmission à la nouvelle génération, la négociation avec nos supérieur-e-s afin d’avoir les moyens nécessaires pour faire du bon travail (temps de travail et assistant-e-s), de même que la collaboration de l’équipe dans la protection des lieux, font partie des éléments clés d’un meilleur avenir.
Je vois de plus en plus de mobilisation en ce sens dans notre département. C’est positif, il faut que ça continue.
Pour ma part, je suis à l’aube de la retraite. J’accepte à l’occasion un contrat, je fais de la formation auprès de la génération montante et je milite pour la reconnaissance de ce travail important.
Selon toi quelLE est la force de l’industrie audiovisuelle au Québec ?
Sa débrouillardise et son ingéniosité !